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Entretien avec Joanne Elisabeth Lauck


Même s'ils sont redoutés, les insectes jouent un rôle absolument vital pour la Terre, mais aussi pour notre croissance pyschologique et spirituelle. 

La relation entre les êtres humains et les insectes est faussée et conflictuelle, elle reste taboue dans toutes nos sociétés occidentales et européennes. Nous transmettons à chaque génération notre conviction qu’il est naturel de ne pas aimer les insectes, et sommes soutenus par des entreprises qui brassent des millions de dollars pour les tuer. L'auteur Joanne Elisabeth Lauck constate l’émergence d’un courant qui s’oppose de plus en plus à ces préjugés. Il s’appuie sur les découvertes de notre interconnexion avec toutes les espèces et constate combien nos tentatives d’éradiquer les autres formes de vie, plutôt que de comprendre leur rôle et de chercher à nous en rapprocher, ont des conséquences terribles. Interview avec Joanne Lauck, auteur de А l’écoute des insectes – Les voix de l’infiniment petit.

Pourquoi les insectes déclenchent-ils autant de frayeur chez nos concitoyens des sociétés occidentales ?

C’est bien la question qui m’a amenée, au départ, à me plonger dans le monde des insectes. J’avais conscience d’une méfiance mais n’avais aucune idée de son ampleur. J’ai découvert que notre culture courtise et célèbre notre peur des insectes.
Nous allons par exemple voir des films d’horreur mettant en scène des insectes et nous sommes ensorcelés par notre propre horreur. Il semble que ces films nous soulagent d’une angoisse due aux insectes et sur laquelle nous n’avons jamais pris la peine de nous pencher ; ils nous dispensent ainsi de nous interroger sur les causes de cette angoisse et de ce malaise.
Un autre exemple, c’est la manière dont nous organisons des manifestations publiques pour célébrer le fait de tuer des insectes. Au Texas, au festival des moustiques, tout est orienté vers leur anéantissement et on fournit au public des tapettes et des bombes d’aérosols. Une année où il n’y avait même plus assez de moustiques à tuer, le maire en a apporté un, enfermé dans un bocal, et l’a tué devant tout le monde, acclamé par la foule. Quelle leçon retiennent les enfants ? Les jeunes apprennent que cet insecte n’a pas le droit d’exister sur Terre et qu’il faut le tuer dès qu’on l’aperçoit. 
Je me suis demandée quels aspects des insectes nous observions véritablement et quelle en était la part que nous imaginions, avec notre mental pétri d’hostilité et de peur. Une étude menée en 2001 par l’Institut français de la santé et de la recherche médicale a révélé que nous sommes programmés pour l’empathie. Et pourtant, même les entomologistes censurent notre empathie envers les insectes. De fait, il leur semble tout à fait raisonnable de ne pas en éprouver, du fait que ces animaux sont tellement différents de nous. J’ai pu toutefois vérifier que l’empathie ne repose sur aucun caractère structurel, mais sur l’aptitude à envisager le point de vue de l’autre.

Dans son essai Self-Realization, le philosophe norvégien Arne Naess parle du moment où il regardait sous un microscope deux produits chimiques en train d’interagir lorsqu’une puce a jailli d’un animal tout proche et atterri dans la goutte d’acide. Incapable de la sauver, Naess l’a regardée mourir. « Ses mouvements étaient affreusement expressifs. Ce que j’ai ressenti, naturellement, c’était une compassion pleine de chagrin et de l’empathie. » Il a réalisé plus tard que s’il s’était senti très différent de la puce, incapable de reconnaître en elle quoi que ce soit qui lui ressemblait, sa détresse l’aurait laissé indifférent. La compassion et l’empathie résultent toujours de l’identification à l’autre.

Votre point de vue est donc que la haine et la peur des insectes sont acquises, non innées ?

Absolument. Dans les contes des grandes traditions spirituelles du monde et des cultures autochtones, la compassion est toujours récompensée. La personne qui se montre bienveillante, même lors d’une rencontre pénible avec un insecte, reçoit une gratification et même l’occasion de transformer l’adversité en sagesse. L’une de mes histoires préférées s’intitule : « La vieille femme qui était gentille avec les insectes ». C’est un conte esquimau qui se racontait autour du feu dans l’ouest du Groenland pendant une invasion de moustiques...

Retrouvez bientôt la suite de l'interview de Joanne E. Lauck dans un prochain article.
Première édition du livre Swan-Raven (1998) ainsi que la seconde (Shambhala, 2002).
Entretien réalisé et traduit par Catherine Marquot. 

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